Lorsqu’une décision administrative vous est défavorable, il est possible de la contester si elle vous semble entachée d’illégalité. Le recours le plus courant est alors le recours pour excès de pouvoir (REP), qui permet de demander au juge administratif l’annulation de l’acte.
Parmi les moyens pouvant être invoqués à l’appui d’un tel recours figure le détournement de pouvoir, une notion juridique souvent confondue avec ce que le grand public appelle "abus de pouvoir". Bien que difficile à démontrer, ce moyen, lorsqu’il est reconnu par le juge, peut entraîner l’annulation de la décision.
En droit administratif, on distingue traditionnellement deux grandes familles d’illégalités :
Les illégalités externes, qui tiennent à la compétence, à la forme ou à la procédure ;
Les illégalités internes, qui concernent le contenu même de la décision.
Le détournement de pouvoir est une illégalité interne. Il survient lorsque l’autorité administrative a utilisé ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui ont été conférés par les textes. Deux grandes situations peuvent se présenter :
L’autorité administrative agit dans un but d’intérêt privé (vengeance personnelle, favoritisme, intérêt économique direct) ;
L’autorité poursuit un but d’intérêt général, mais étranger à l’objet de la compétence exercée. Dans l’arrêt célèbre, "Pariset" (CE, 26 novembre 1875), le Conseil d’État a annulé la décision d’un préfet ayant ordonné la fermeture d’une fabrique d’allumettes, non pour des raisons de sécurité publique (objectif du pouvoir de police en cause), mais pour éviter l’indemnisation des propriétaires dans le cadre d’une nationalisation. L’objectif poursuivi, bien que d’intérêt général, n’était pas celui prévu par la loi pour justifier l’usage de ce pouvoir.
Le détournement de pouvoir peut se rencontrer dans des cas très différents. Par exemple, le Cabinet a déjà été amené à le soulever lorsqu'il s'est agit de contester une sanction prononcée par la Direction de la Sécurité de l'aviation civile contre un pilote d'avion. Dans une autre affaire, une cliente, élève-infirmière, qui entendait contester la sanction prononcée par son l'IFSI considérait qu'elle était victime d'un détournement de pouvoir. Ce qui était difficile à prouver dans son cas.
La charge de la preuve pèse sur celui qui conteste la décision administrative. Il s’agit ici de prouver l’intention – ou du moins la finalité réelle – de l'élu ou de l'agent, ce qui rend la démonstration particulièrement délicate.
Le juge n’examinera pas la simple suspicion ou le ressenti subjectif du requérant. Il faut constituer un faisceau d’indices concordants, tels que :
Des témoignages ;
Des éléments de contexte révélant une animosité personnelle ou des pressions politiques ;
Des liens personnels ou financiers entre l’auteur de la décision et un tiers bénéficiaire ;
Des écarts de traitement inexpliqués entre des situations identiques ;
Une disproportion manifeste entre les motifs invoqués et la gravité de la mesure.
Cette démonstration, souvent complexe, nécessite l’appui d’un professionnel du droit public, tant pour la qualification juridique des faits que pour la structuration du raisonnement probatoire.
L’objectif du recours est l’annulation de la décision administrative. Deux hypothèses peuvent se présenter :
Dans ce cas, le juge administratif peut ne pas examiner ce moyen, s’il estime qu’un autre (erreur de droit, erreur de fait, vice de procédure…) suffit à annuler la décision. Il faut garder à l’esprit que le juge n’est pas tenu de répondre à tous les moyens, une fois qu’il a été convaincu par un seul.
Il arrive que la décision soit en apparence régulière sur tous les autres plans : compétence, procédure, forme, motivation, application du droit… Le seul grief que l’on puisse lui opposer est l’intention détournée qui l’a motivée. Dans ce cas, il devient crucial de convaincre le juge de la finalité illégitime poursuivie par l’auteur de l’acte.
Cela suppose un travail rigoureux de constitution du dossier et, le plus souvent, un accompagnement par un avocat.
Le détournement de pouvoir est un moyen de droit efficace mais difficile à faire reconnaître. Il suppose de démontrer que l’administration a utilisé un pouvoir à des fins étrangères à celles prévues par les textes. Si vous êtes confronté à une telle situation, un accompagnement juridique adapté est fortement recommandé.
Le cabinet Sine Cera avocat vous assiste dans l’analyse de la légalité de la décision litigieuse, la constitution des preuves, la rédaction du recours pour excès de pouvoir et la représentation devant le juge administratif.