Lorsqu’une décision administrative est contestée devant le tribunal administratif, notamment par le biais d’un recours pour excès de pouvoir, le requérant doit invoquer des moyens d’illégalité pour étayer sa demande.
Traditionnellement, la doctrine distingue deux grandes familles d’illégalités :
Les illégalités externes, qui affectent la procédure d’édiction de l’acte ;
Les illégalités internes, qui affectent son contenu même.
Bien que cette distinction soit parfois remise en cause par certains auteurs, elle reste un repère utile pour construire un recours efficace.
Parmi les illégalités internes, l’erreur de droit constitue un moyen classique et puissant pour obtenir l’annulation d’une décision administrative. Il convient de ne pas la confondre avec la violation directe de la loi, qui constitue un autre moyen autonome.
L’erreur de droit correspond à une mauvaise application du droit par l’administration lorsqu’elle prend sa décision. Le requérant peut, à ce titre, invoquer trois types principaux d’erreur de droit : l’erreur ou l'absence de base légale ; l'exception d’illégalité de la norme appliquée ; la mauvaise interprétation de la norme applicable.
Il convient toutefois de noter que le juge peut maintenir la validité de la décision attaquée en procédant à une substitution de base légale, sous certaines conditions.
Une erreur de base légale se produit lorsque l’administration fonde sa décision sur une norme inapplicable à la situation concernée. L'absence de base légale signifie qu'aucune norme ne peut fonder la décision contestée.
En d’autres termes, la décision repose sur un fondement juridique inadapté ou inexistant.
En matière d’engagement de servir, si l’administration réclame à un ancien élève le remboursement de frais de scolarité, il faut que ce remboursement se fonde sur un régime juridique qui lui est pas applicable. Le Cabinet a pu, à l'occasion d'un recours administratif, indiquer à l'administration que la situation du client ne relevait pas du texte sur lequel elle se fondait.
Le Cabinet a eu à contester la sanction disciplinaire infligée à une étudiante par son Institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Il a été démontré à l'administration que la sanction prononcée correspondait à un texte qui ne s'appliquait pas cette élève.
Dans cette affaire, une commune avait décidé d’exercer son droit de préemption sur une parcelle mise en vente. Cela signifie qu’elle entendait se substituer à l’acheteur pour acquérir elle-même le bien. Pour ce faire, la commune prétendait s’appuyer sur une délibération instituant le droit de préemption urbain sur son territoire. Or, elle n’a pas été en mesure de produire cette délibération, pourtant indispensable à la légalité de la mesure.
Le juge en a logiquement conclu que la décision de préemption était dépourvue de base légale :
« En dépit d’une mesure d’instruction diligentée en ce sens, la délibération du conseil municipal de Quissac instituant le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune, constituant la base légale de la décision en litige, n’a pas été produite, la commune de Quissac s’étant bornée à produire la délibération déléguant à son maire la compétence de signer notamment les décisions de préemption. Il s’ensuit que le défaut de base légale invoqué doit être accueilli. » (Tribunal administratif de Nîmes, 1ère chambre, 15 avril 2025, n°2404323)
Dans cette autre affaire, une fonctionnaire territoriale d’un département, victime d’une agression sur son lieu de travail, avait été placée en congé pour maladie imputable au service. Après une reprise de poste suivie de plusieurs rechutes liées à l’agression, le président du conseil départemental a décidé de l’affecter d’office à un autre poste, avec des conditions de rémunération moins favorables.
Le juge a estimé qu’il s’agissait d’une sanction déguisée, non prévue par les textes applicables, et a annulé la décision d’affectation d’office, en raison de l’absence de base légale :
« Ainsi, la mutation d’office ne figurant pas au nombre des sanctions prévues par l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 qui peuvent être infligées à un fonctionnaire territorial, l’arrêté en litige du 8 février 2021 du président du conseil départemental de la Savoie est dépourvu de base légale. » (Tribunal administratif de Grenoble, 6ème chambre, 1er avril 2025, n°2204199)
Le requérant peut également contester, par voie d’exception, la légalité même de la norme sur laquelle l’administration a fondé sa décision.
Dans ce cas, ce n’est pas l’application de la norme qui est en cause, mais la validité de la norme elle-même.
Par exemple, un titre de perception peut être contesté s'il est émis sur le fondement d’une délibération municipale irrégulière (par exemple, si celle-ci viole la loi). Il s'agira d'invoquer l’illégalité de cette délibération. Le titre lui-même deviendra illégal par voie de conséquence.
La dernière forme d’erreur de droit concerne les situations dans lesquelles l’administration applique la bonne norme, mais l’interprète de manière erronée.
Il ne s’agit donc pas d’une erreur dans le choix du texte, mais d’une erreur dans sa compréhension ou son application.
Par exemple, si un texte prévoit une exonération sous certaines conditions et que l’administration refuse à tort de l’accorder à un administré en interprétant ces conditions de manière trop restrictive, elle commet une erreur d’interprétation, constituant ainsi une erreur de droit.
Même lorsque l’administration a fondé sa décision sur une base juridique erronée, le juge administratif peut, dans certaines conditions, procéder lui-même à une substitution de base légale. Cela signifie qu’il peut maintenir la décision attaquée en la rattachant à un autre fondement juridique valable, à condition que cela ne prive pas l’intéressé d’une garantie procédurale ou d’un droit de défense.
Concrètement, si vous soulevez une erreur de base légale, il ne suffit pas de démontrer que le texte invoqué par l’administration est inapproprié. Il faut aussi s’assurer qu’aucun autre fondement juridique ne pourrait venir au soutien de la décision sans modifier sa nature ou les droits de la personne concernée.
C’est pourquoi il est essentiel d’analyser finement les textes applicables et les garanties procédurales prévues, notamment lorsqu’il s’agit de décisions individuelles défavorables.
La qualification précise des moyens d’annulation est essentielle devant le juge administratif.
En effet :
Mal invoqué, un moyen pertinent peut être écarté ;
Certains moyens peuvent se combiner pour renforcer la solidité du recours ;
La rédaction du mémoire contentieux doit respecter une structure rigoureuse et exposer clairement les moyens de droit et leur articulation.
Un avocat compétent en droit public vous aide à :
Identifier avec précision l’erreur de droit commise par l’administration ;
Construire une argumentation solide fondée sur les textes applicables et la jurisprudence récente ;
Assurer une présentation claire et stratégique de votre recours.