Lorsqu’une décision administrative défavorable vous est notifiée, il est possible de la contester en soulevant un ou plusieurs moyens d’illégalité. Parmi ces moyens, figure l’erreur de fait, également désignée par l’expression inexactitude matérielle des faits.
Ce moyen appartient à la catégorie des illégalités internes de la décision administrative, c’est-à-dire celles qui tiennent au contenu même de la décision plutôt qu’à sa procédure ou sa forme.
L’erreur de fait consiste à soutenir que les faits ayant fondé la décision administrative sont matériellement inexacts. En d’autres termes, l’administration a pris sa décision sur le fondement d’éléments factuels erronés ou inexistants.
Le Conseil d’État a admis depuis longtemps le contrôle de la matérialité des faits. Dans l’arrêt fondateur Camino (CE, 14 janvier 1916), il a annulé la décision de révocation d’un maire au motif que les faits reprochés — en l’occurrence le manque de décence d’un convoi funèbre — étaient inexacts. Le juge administratif a ainsi affirmé qu’il lui appartient de vérifier que les faits avancés par l’administration sont bien réels.
Le cabinet Sine Cera avocat est régulièrement amené à contester des décisions administratives fondées sur des faits erronés.
Dans un dossier disciplinaire concernant une élève infirmière, il lui était reproché par son Institut de formation en soins infirmiers des erreurs répétées lors de ses stages. Or, aucune évaluation, ni aucun compte rendu de stage ne faisait état de ces erreurs, et aucun élément écrit ne permettait d’étayer les griefs retenus par l’IFSI.
Dans une affaire relative à une sanction prise à l’encontre d’un pilote privé, l’administration prétendait que l’intéressé avait effectué un vol de nuit, en violation de la réglementation. L’examen minutieux du carnet de vol et des heures de coucher du soleil a permis de démontrer que le vol avait été effectué dans les plages horaires autorisées.
Ces exemples illustrent l’importance d’une reconstitution rigoureuse des faits pour convaincre le juge administratif d’une erreur matérielle.
Le tribunal administratif de Montreuil a été saisi d’une affaire dans laquelle un agent de sûreté aéroportuaire s’était vu suspendre son habilitation d’accès aux zones de sûreté à accès réglementé des plateformes aéroportuaires pour une durée de trois ans. L’administration, en l’occurrence la préfecture, soutenait que l’intéressé avait commis une infraction à l’occasion des émeutes de l’été 2023, en transportant des armes et des engins incendiaires, ce qui, selon elle, rendait son comportement incompatible avec l’exercice d’une activité dans les zones de sûreté aéroportuaire. Toutefois, les faits reprochés n’étaient pas établis. Le tribunal a jugé en ces termes :
"Cependant, alors que l’intéressé conteste la matérialité de ces faits et soutient que la garde à vue dont il a fait l’objet a été levée en raison de l’absence d’élément caractérisé à son encontre, l’autorité préfectorale ne fournit aucun élément de nature à étayer le comportement infractionnel de l’intéressé et réitère, par voie d’allégation, que M. B a eu un comportement incompatible avec l’exercice des missions envisagées. Dans ces conditions, l’intéressé est fondé à soutenir que l’arrêté litigieux, en ce qu’il ne repose sur aucun élément probant, est entaché d’inexactitude matérielle des faits." (Tribunal administratif de Montreuil, 9ème Chambre, 4 avril 2025, 2309980)
Dans une affaire portée devant le tribunal administratif de Marseille, il était question d’un arrêté municipal par lequel un maire avait mis en demeure le propriétaire d’un chien de protection, utilisé pour surveiller un troupeau en période de pâturage, de maintenir l’animal dans un lieu clos et de faire procéder à une étude comportementale. Le maire justifiait cette mesure en affirmant que le chien se trouvait régulièrement en état de divagation sur le territoire communal.
Or, la réalité des faits était sensiblement différente, comme l’a établi le tribunal, qui a annulé l’arrêté contesté. Il a notamment jugé que :
"Il est constant que le chien de M. B est un chien de protection ayant vocation à surveiller son troupeau durant les périodes de pâturage. […] La commune se borne à faire état d’un seul incident […]. En outre, il ressort des pièces du dossier que le chien se trouvait en action de garde du troupeau de brebis de M. B lors de l’incident, ce qui exclut l’état de divagation de l’animal au moment de l’attaque. Par ailleurs, aucune pièce au dossier n’établit la divagation de ce chien à d’autres occasions, et encore moins un état de divagation régulière. […] Dans ces conditions, les motifs tenant à ce que ce chien se trouverait régulièrement en état de divagation et aurait mordu le maire reposent sur des faits matériellement inexacts. […] Par suite, M. B est fondé à soutenir que l’arrêté [...] en litige est illégal." (Tribunal administratif de Marseille, 8ème Chambre, 2 avril 2025, 2208886)
Il appartient à celui qui invoque une erreur de fait d’en apporter la preuve. Cela peut être fait par tout moyen : témoignages écrits, attestations, certificats, extraits de casier judiciaire, constats d’huissier, photographies, carnets de suivi, etc.
Le rôle de l’avocat est ici crucial. Il vous aide à :
Identifier les éléments de preuve pertinents ;
Constituer un dossier solide et cohérent ;
Mettre en difficulté l’administration en démontrant l’absence de preuve de ses allégations.
Le juge administratif tiendra compte de l’ensemble des pièces versées au dossier et peut considérer, en l’absence de réponse convaincante de l’administration, que les faits étaient erronés.
L’erreur de fait est un moyen juridique redoutablement efficace lorsqu’il est bien préparé. Cependant, il repose sur une démonstration factuelle exigeante. Faire appel à un avocat en droit public, c’est s’assurer d’une analyse rigoureuse, d’une rédaction adaptée aux exigences du juge administratif et d’une défense construite sur des fondements juridiques solides.
Le cabinet Sine Cera avocat vous accompagne dans toutes les étapes du recours, que ce soit dans le cadre d’un recours gracieux ou devant les juridictions administratives.