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Comment invoquer l’erreur manifeste d’appréciation contre une décision administrative

Par Me Matthieu Rouveyre • Dernière mise à jour le 20 mai 2025

Contester une décision administrative implique d’en démontrer l’illégalité. À ce titre, les moyens invocables peuvent se regrouper en deux grandes catégories :

L’erreur manifeste d’appréciation (EMA) constitue l’un des moyens les plus fréquemment invoqués pour faire annuler une décision lorsque l’administration a statué dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire.

Erreur manifeste d'appréciation
Sommaire
  1. Comprendre la différence entre contrôle normal et contrôle restreint
  2. Qu’est-ce qu’une erreur manifeste d’appréciation ?
  3. Comment prouver une erreur manifeste d’appréciation ?
  4. Exemples de jurisprudence reconnaissant une erreur manifeste d’appréciation
  5. Quels recours contre une erreur manifeste d’appréciation ?
  6. Pourquoi se faire assister par un avocat ?

Comprendre la différence entre contrôle normal et contrôle restreint

Le juge administratif exerce un contrôle dont l’intensité dépend de la marge de manœuvre laissée à l’administration par le législateur :

Ce contrôle réduit permet au juge de censurer les décisions manifestement excessives ou incohérentes, sans remettre en cause la liberté d’appréciation que la loi reconnaît à l’administration.

Qu’est-ce qu’une erreur manifeste d’appréciation ?

L’erreur manifeste d’appréciation est une erreur grossière, évidente, dans l’analyse de la situation par l’administration.

Concrètement, il ne suffit pas qu’un requérant estime que la décision est sévère ou discutable. Il doit démontrer que, compte tenu des circonstances de l’affaire, la décision est manifestement disproportionnée, incohérente ou inadaptée.

Ce moyen est fréquemment invoqué, par exemple :

Comment prouver une erreur manifeste d’appréciation ?

La difficulté réside dans le mot "manifeste". Il faut montrer que la décision ne tient pas compte d’éléments déterminants ou repose sur une évaluation manifestement déconnectée des faits.

Il convient donc de produire un dossier très étayé, reposant sur :

À défaut, le juge rejette ce moyen par des formules classiques comme :

"Les seuls éléments dont fait état le requérant […] ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d’appréciation." (TA Strasbourg, 15 mai 2025, n° 2503372)

"Le requérant ne verse pas suffisamment d’éléments relatifs à sa situation […]. Par suite, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation." (TA Guadeloupe, 15 mai 2025, n° 2400169)

Le cabinet a été amené à plusieurs reprises à invoquer l’erreur manifeste d’appréciation :

Exemples de jurisprudence reconnaissant une erreur manifeste d’appréciation

TA Melun, 15 mai 2025 – Femme victime de violences conjugales

Une ressortissante algérienne, mariée à un Français, demande le renouvellement de son certificat de résidence. Le préfet le lui refuse et l’oblige à quitter le territoire. Pourtant, des éléments versés au dossier démontrent qu’elle subissait de graves violences conjugales. Le tribunal relève :

"Compte tenu des circonstances de l’espèce et de l’existence de violences conjugales […] le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en l’obligeant à quitter le territoire français." (TA Melun, 8e ch., 15 mai 2025, n° 2300323)

TA Rennes, 7 mai 2025 – Gendarme sanctionné à tort

Un commandant d’unité avait été sanctionné pour une prétendue mauvaise gestion d’un adjoint problématique. Il a pu prouver qu’il avait :

Le juge annule la sanction :

"Dans ce contexte […] M. C est fondé à soutenir que le commandant de groupement a commis une erreur manifeste d’appréciation." (TA Rennes, 2e ch., 7 mai 2025, n° 2300011)

Quels recours contre une erreur manifeste d’appréciation ?

Lorsqu’une décision administrative vous semble entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, deux types de recours sont envisageables : le recours administratif (gracieux ou hiérarchique) et le recours juridictionnel devant le juge administratif.

Le recours administratif

Le recours administratif est une démarche amiable qui peut précéder (et parfois éviter) une procédure contentieuse. Il peut prendre deux formes :

Dans les deux cas, il convient d’exposer, avec rigueur et clarté, les raisons pour lesquelles la décision prise repose sur une appréciation manifestement erronée de la situation. Cela suppose de démontrer que l’administration a porté une appréciation excessive, incohérente ou disproportionnée par rapport aux faits établis. Il est fortement conseillé de faire appel à un avocat afin de structurer l’argumentation, joindre les pièces nécessaires, et augmenter les chances de succès de la démarche.

Ce type de recours interrompt en principe le délai contentieux, ce qui permet de préserver vos droits tout en tentant de résoudre le litige sans passer par le juge.

Le recours juridictionnel

Si le recours administratif est rejeté ou si vous souhaitez saisir directement le juge administratif, vous pouvez former un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif compétent, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision contestée.

Dans ce cadre, l’erreur manifeste d’appréciation constitue un moyen d’illégalité interne que le juge est habilité à examiner. Il appartient au requérant d’apporter des éléments convaincants permettant d’établir le caractère manifestement erroné de l’évaluation portée par l’administration. Il peut s’agir, par exemple, d’attestations, d’avis médicaux, de documents de situation familiale ou professionnelle, ou de tout autre élément de preuve.

L’intervention d’un avocat est particulièrement précieuse pour sélectionner les arguments pertinents, analyser la marge d’appréciation de l’administration dans votre situation, et construire un recours juridiquement fondé et convaincant.

Pourquoi se faire assister par un avocat ?

Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation exige un travail de démonstration précis, rigoureux et méthodique. L’avocat en droit public vous aide à :

Le cabinet Sine Cera avocat est régulièrement saisi pour contester des décisions administratives sur le fondement d’une erreur manifeste d’appréciation, dans des domaines variés : droit des étrangers, sanctions disciplinaires, urbanisme, titres de perception, etc.

 

73, rue Leyteire
33000 Bordeaux

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