En droit administratif, il existe deux grandes familles d’illégalités susceptibles d’entacher un acte administratif :
les illégalités externes, qui tiennent à l’auteur de l’acte, à sa forme ou à la procédure suivie pour l’adopter ;
les illégalités internes, qui concernent le contenu même de la décision (erreur de droit, erreur de faits, erreur manifeste d’appréciation, détournement de pouvoir).
Les vices de procédure relèvent de la première catégorie. Ils peuvent suffire, dans certaines conditions, à faire annuler l’acte contesté.
Tout acte administratif, qu’il soit réglementaire ou individuel, doit respecter une procédure non contentieuse préalable à son adoption. Cette procédure peut être très variable selon la nature de l’acte :
certaines décisions requièrent la consultation d’un organisme ou d’une commission,
d’autres supposent une mise en œuvre du principe du contradictoire,
d’autres encore imposent des formalités particulières liées à la motivation ou à l’information préalable des intéressés.
Le vice de procédure survient lorsque l’une de ces règles procédurales n’a pas été respectée. En l’invoquant, l’intéressé fait valoir que l’acte est illégal en raison d’un manquement aux exigences procédurales qui encadraient son édiction.
Voici quelques illustrations fréquentes de vices de procédure :
absence de respect du principe du contradictoire,
violation des droits de la défense, notamment dans le cadre d’une sanction administrative,
omission de la consultation obligatoire d’un organisme, d’une commission ou d’un supérieur hiérarchique,
défaut de transmission d’informations essentielles ou de documents obligatoires avant la prise de décision,
irrégularités dans la convocation ou la composition d’un organe collégial.
Le juge administratif n’annule pas systématiquement un acte entaché d’un vice de procédure. Depuis l’arrêt Danthony (CE, ass., 23 décembre 2011, Danthony, n° 335033), un principe est posé :
Un acte administratif n’est annulé pour vice de procédure que si ce vice a privé l’intéressé d’une garantie, ou s’il est susceptible d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision.
Cette approche, dite de "danthonysation", implique un examen au cas par cas : un vice, même avéré, ne conduit pas nécessairement à l’annulation de l’acte.
Prenons l’exemple d’un acte adopté sans consultation d’un organe dont l’avis était requis. Si le juge estime que cette consultation aurait été sans incidence sur la décision finale, et qu’aucune garantie n’était liée à cette formalité, le vice sera neutralisé par application de la jurisprudence Danthony.
De même, si une irrégularité de convocation à une commission n’a privé aucun membre de son droit de participer, et que l’avis rendu n’était que consultatif, le vice pourra être considéré comme sans incidence.
Il existe un cas dans lequel le juge refuse d’appliquer la jurisprudence Danthony : celui où le vice a privé l’intéressé d’une garantie. Cette garantie peut être, par exemple :
le droit d’être entendu avant une sanction,
la possibilité de formuler des observations,
l’information préalable sur les griefs retenus.
Dans ce cas, le vice de procédure est, à lui seul, de nature à entraîner l’annulation de la décision, sans que le juge n’ait à vérifier son influence sur le fond de l’affaire.
Même lorsqu’ils ne suffisent pas à eux seuls à faire annuler un acte, les vices de procédure peuvent contribuer à convaincre le juge de l’illégalité de la décision.
Ils démontrent un manque de rigueur de l’administration et peuvent fragiliser la crédibilité de la décision, surtout lorsqu’ils s’ajoutent à un moyen d’illégalité interne comme l’erreur manifeste d’appréciation.
Par ailleurs, en matière de sanction administrative, les exigences procédurales sont renforcées. Le non-respect du contradictoire ou la violation des droits de la défense aboutissent très fréquemment à l’annulation de la décision, car ils sont considérés comme des garanties fondamentales.
Lorsqu’un acte administratif est entaché d’un vice de procédure, il est possible de le contester selon deux voies principales :
Le recours administratif, qui peut être gracieux (adressé à l’auteur de l’acte) ou hiérarchique (adressé à son supérieur). Ce recours permet parfois d’obtenir une révision amiable de la décision, notamment lorsque le vice est manifeste (ex. : absence de consultation obligatoire, oubli de notification…). Il doit être exercé, en général, dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication de l’acte, sauf exceptions.
Le recours juridictionnel, généralement un recours pour excès de pouvoir en saisissant le tribunal administratif, permet de faire annuler un acte unilatéral illégal, notamment pour vice de procédure. Le recours contentieux doit également être introduit dans un délai de deux mois en général, sauf si un recours administratif préalable est obligatoire.
Le choix de la voie à emprunter dépend de la nature de l’acte, de l’auteur, et du contexte : il est souvent pertinent de commencer par un recours administratif bien argumenté, pour espérer une résolution rapide et sans contentieux. En cas d’échec, le recours juridictionnel permettra de faire valoir vos droits devant le juge administratif.
Les vices de procédure sont des moyens techniques, qui supposent une connaissance fine des textes, des formalités requises et de leur portée juridique.
Un avocat en droit public pourra :
analyser en détail la procédure suivie,
identifier les irrégularités potentielles en dressant une véritable "check-list",
articuler un recours solide,
et défendre vos droits devant la juridiction compétente.
Le cabinet Sine Cera Avocat intervient régulièrement dans des dossiers où des vices de procédure sont identifiés et utilisés comme fondement principal ou complémentaire d’un recours. À titre d’exemple :
Dans un dossier de mise en demeure environnementale adressée à un professionnel de la faune, l’absence de respect du contradictoire et la confusion entre fonctions d’inspection et de sanction ont conduit à l’annulation partielle de la mesure contestée.
En matière de sanctions disciplinaires prononcées par un Institut de formation en soins infirmiers, le cabinet est intervenu pour faire valoir l’irrégularité de la procédure de convocation et le défaut de communication préalable du dossier, aboutissant au retrait de la sanction prononcée par l'IFSI.
Plus récemment, un refus de délivrance de diplôme d’État d’infirmier a été contesté avec succès en raison de l’absence de transmission préalable du rapport d’évaluation, privant l’étudiant d’une garantie procédurale essentielle.
Le cabinet a été amené à défendre un pilote d'avion qui avait été sanctionné par la DSAC. Dans cette affaire, près d'une quinzaine de vices de procédure ont été identifiés par nos soins et présentés au juge.
Le cabinet intervient également dans les cas de refus de délivrance de la carte professionnelle d’agent de sécurité par le CNAPS, à l’issue de procédures susceptibles de présenter des vices.
Des vices de procédure peuvent également entacher le titre de recette ou de perception adressé par l’administration à son débiteur (ou à la personne qu’elle considère comme telle).
Dans chacun de ces cas, la connaissance approfondie du formalisme administratif a permis de défendre efficacement les intérêts du client et, souvent, d’obtenir un retrait ou une annulation de la décision en cause.