En droit administratif, il est d’usage de distinguer les illégalités externes, qui affectent les conditions d’édiction de l’acte (comme les vices de forme ou de procédure), et les illégalités internes, qui concernent son contenu (l'erreur de droit, l'erreur de fait, l'erreur manifeste d'appréciation, le détournement de pouvoir). Parmi les vices d’illégalité externe figure l’incompétence, qui touche au fondement même de la légalité de la décision. Elle peut justifier à elle seule l’annulation d’un acte administratif.
Une décision administrative ne peut être légalement prise que par une autorité compétente pour l’édicter. Cela suppose que l’auteur de l’acte ait reçu une habilitation légale ou réglementaire pour le faire. Il peut s’agir d’une compétence propre, ou d’une délégation de signature ou de pouvoir, à condition que cette délégation ait été légalement établie, publiée et respectée.
L’incompétence est souvent soulevée dans des cas où la décision est prise par délégation, sans que cette délégation ait été régulièrement établie ou publiée, ou lorsque l’acte a été pris en dehors du champ de cette délégation.
Le juge administratif peut, lorsqu’il constate que l’auteur de la décision contestée n’avait pas compétence pour l’édicter, annuler l’acte d’office, même si ce moyen n’a pas été expressément invoqué.
Dans les faits, il est cependant vivement recommandé de soulever ce moyen dès le recours, en particulier parce que l’administration n’est pas toujours en mesure de démontrer facilement la légalité de la délégation ou de la signature.
Vérifier la compétence de l’auteur de l’acte suppose un travail minutieux :
Identifier l’autorité signataire de la décision ;
Rechercher l’existence d’une délégation, sa légalité et sa publication ;
Vérifier la date de validité de la délégation ;
Analyser son contenu exact : la délégation permet-elle de signer l’acte concerné ? Le champ de la délégation est-il respecté ?
Il s’agit souvent d’un travail de fourmi, impliquant de consulter des arrêtés parfois mal publiés ou anciens. C’est précisément le rôle de l’avocat d’effectuer ces vérifications, qui peuvent conduire à l’annulation de la décision attaquée.
Au sein du cabinet, nous avons l’habitude de vérifier la compétence de l’auteur des décisions dans divers dossiers, notamment :
Contestation d’une décision de la DSAC à l’encontre d’un pilote ;
Contestation d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un étudiant en IFSI ;
Contestation de l’obligation de remboursement en cas de rupture d’engagement de servir.
Comme l’a rappelé une rapporteure publique :
« L’incompétence, réputée mère de tous les vices, parce qu’elle touche à la condition même de possibilité d’édiction de l’acte » (A. Bretonneau, conclusions sur CE, Ass., 18 mai 2018, Fédération des finances et des affaires économiques de la CFDT).
Contrairement à d’autres vices (comme certains vices de procédure), l’incompétence n’est pas régularisable a posteriori, sauf cas très exceptionnels. Elle conduit en principe à l’annulation pure et simple de la décision.
Radiation illégale d’un fonctionnaire de La Poste – Tribunal administratif de Bastia, 5 mai 2025
Un cadre de La Poste, placé en congé pour raison de santé, est radié des cadres pour abandon de poste. Or :
La mise en demeure préalable avait été signée par une responsable RH sans habilitation.
La décision de radiation avait été signée par un directeur exécutif ne disposant pas de délégation pour prendre une sanction aussi grave à l’égard d’un agent de sa catégorie.
Le tribunal a annulé la décision de radiation, aux seuls motifs d’incompétence des signataires.
(TA Bastia, 1ère ch., 5 mai 2025, n° 2301569)
Refus d’aide exceptionnelle à la région Occitanie – Tribunal administratif de Paris, 30 avril 2025
La région Occitanie avait été exclue d’un dispositif d’aide exceptionnelle aux autorités organisatrices de la mobilité, institué par un arrêté du ministre de la transition écologique.
Le tribunal a jugé que le ministre n’était pas compétent pour prendre un tel arrêté : la loi de finances ouvre des crédits, mais n’habilite pas le ministre à édicter seul les règles d’attribution de l’aide.
(TA Paris, 30 avril 2025, n°s 2320642 & 2320643)